31 décembre 1999, Londres.
J’ai eu la chance de résider à Londres de 1999 à 2001 et donc ai eu la joie de participer à la mythique fête mondiale du passage à l’an 2000 dans cette mégalopole. La fête y fut incroyable…
Mon ami Jicki et moi avions pris l’habitude de renommer de façon assez libre les lieux dits et les stations de métro du réseau londonien. Nous nous aventurions sans précautions dans des traductions autant précises qu’hasardeuses pour renommer les lieux en français.
Ainsi, nous sommes parti de Kings Road [La route des rois] vers 22h, après avoir fait le plein d’énergie. Les transports en commun ne fonctionnaient pas. Nous avons marché jusqu’à Sloane Square [Le square de la meuf de Peter] puis Knightsbrige [Le pont du chevalier], Hyde Park Corner [Le coin du parc caché], Piccadilly Circus [Le cirque de pécadilles], Charing Cross [La croix partageante] pour finir 2 heures plus tard à Trafalgar Square [Le carré du coup de pute].
Welcome to the 21st century
Après le compte à rebours officiel qui nous a projeté de 1999 à 2000, nous n’avons rien ressenti de particulier. Apres constats : les voitures volantes ne sillonnaient pas le ciel, aucun robot ne sillonnait Mars, les traces des moindres de nos agissements ne sillonnaient pas la toile. Edward Snowden n’avait que 17 ans. C’était pourtant le début d’un monde nouveau.
Why in London?
Je travaillais à Londres depuis début 1999 pour le compte de Webcity (Racheté ensuite par la société Cityvox, rachetée elle-même par Yelp).
Un ami et jeune patron sympathique et optimiste, des financements plein les poches, m’avait envoyé en éclaireur pour ouvrir le bureau londonien de l’entreprise. J’avais trouvé des locaux confortables à Vauxhall, juste à côté de la Royal Vauxhall Tavern. Tous les samedis soirs, mon amie Amy Lame investissait cette vieille taverne mythique avec son club désormais culte pour la scène Gay : l’inoxydable Duckie.
Retour au 1er janvier 2000.
A 5h du matin, Jicki et moi fumions des cigarettes dans le froid en buvant du whisky. Nous fantasmions sur ce que nous réservait le futur, les yeux glauques et la parole hésitante. Derrière nos balbutiements de viandes saoules, se dissimulaient des paroles pleines de sens.
– Avec eul’Ternet’ on va pouvoir communiquer plus facilement, je pense qu’on va même consommer différemment.
– Oui, on pourra se mettre en relation avec d’autres personnes, par exemple des gens qu’ont les mêmes besoins que nous.
– De l’achat en groupe ?
– De la chasse aux affaires en groupe ?
– De l’achat groupé.
– Oui mais comment ?
– Ben justement, on fait un site sur eul’Ternet’, les gens s’inscrivent et disent les produits qu’ils veulent et se groupent pour les acheter.
– Faudrait négocier avec les vendeurs ?
– Ben oui, faudrait qu’on sélectionne des produits qu’on aime bien, qu’on les propose à cette, comment dire… communauté.
– Après ce serait bien de définir des paliers de prix qui descendent en fonction du nombre de participants.
– Bah c’est une bonne idée ça ?! Qu’est ce qu’on fait ?
– Du calme mon gars, c’est de la science fiction, eul’Ternet’ va à deux à l’heure, il faut une minute pour afficher une pauvre page avec 3 images et on est quelques centaines de millier à l’utiliser. Pour que ça marche notre truc, faudrait des millions de personnes qui s’inscrivent.
– Il y aura forcément un gars qui commencera ça et qui se fera des golden nuts.
– La bouteille de Sky est vide, j’ai froid, rentrons nous coucher.
Et alors ? Et alors ?…
Nous en restions là, malgré quelques échanges par la suite, mais avions des chemins séparés et aucun développeur pour mettre cela en place.
Environ 11 mois plus tard, naissait CLUST qui avait peu ou prou les simples caractéristiques (à l’époque révolutionnaires) que nous avions évoqué lors de notre conversation d’hommes ivres.
C’était la première fois que je faisais fortune et que je perdais tout sur Internet, à la seule exception que cela n’a duré qu’un petit matin, le tout premier de l’an 2000.